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Point de vue RiC – EAD

Normes et réglementations

décembre 2025

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Records in Contexts (RiC) – Point de vue 

L’évolution de la description archivistique avec deux approches complémentaires !

À la croisée des chemins entre la rigueur éprouvée d’ISAD(G) et l’ouverture du web de données, deux voies se dessinent : la révolution conceptuelle de Records in Contexts (RiC), qui repense la description en graphe et l’évolution pragmatique d’EAD 4, qui transpose progressivement ces principes en XML pour un déploiement plus accessible.

La description archivistique se trouve à un tournant, entre une approche pratique fondée sur les normes existantes comme ISAD(G) et l’opportunité de s’ouvrir au web de données.

Deux voies se dessinent : une révolution conceptuelle avec Records in Contexts (RiC) et une évolution pragmatique avec la future norme EAD 4.

Proposé par le Conseil International des Archives (ICA), RiC est une refonte fondamentale de la description archivistique. Son apport majeur tend à remplacer et unifier les quatre normes existantes (ISAD(G), ISAAR(CPF), ISDF, ISDIAH) pour offrir un cadre conceptuel entité-relation plus riche et plus souple que la seule hiérarchie traditionnelle.

Plutôt que de décrire un fonds comme un tout, RiC distingue différentes entités (personne, organisation, archive, événement) et établit des liens entre elles. Avec ses 19 entités, 42 attributs et 85 relations, RiC-CM est très abstrait, ce qui peut déstabiliser les archivistes.

Cette approche, qui s’apparente à un réseau de connaissance, permet de représenter la complexité des relations contextuelles de manière beaucoup plus fine et dynamique que la structure rigide d’ISAD(G).

Techniquement, ce modèle se traduit par RiC-O (Ontology), une ontologie formelle qui utilise les standards du web sémantique comme RDF (Resource Description Framework). Les descriptions ne sont plus des blocs de texte dans un fichier XML, mais des ensembles de triplets (sujet-prédicat-objet) qui, assemblés, forment un vaste  graphe de connaissances.

L’objectif ultime est de transformer les descriptions d’archives en données ouvertes et liées (Linked Open Data), interrogeables de manière transversale et réutilisable par des applications tierces, brisant ainsi les silos d’information.

Avec la publication de sa version 1.0 fin 2023, RiC a atteint une maturité conceptuelle et technique significative.  

Malgré son potentiel, la mise en œuvre de RiC se heurte à trois défis majeurs :

  1. Les compétences : La manipulation des technologies du web sémantique (RDF, SPARQL, OWL) requiert un savoir-faire spécialisé, encore rare dans les services d’archives, et un changement de mentalité pour penser en « graphes ».  
  2. L’infrastructure : La gestion de graphes de données à grande échelle nécessite des infrastructures informatiques robustes et des bases de données spécifiques (« triplestores ») dont la performance est encore à challenger (voir par exemple RDF vs. Property Graphs: Choosing the Right Approach for Implementing a Knowledge Graph).
  3. La qualité des données : La conversion vers RiC n’est pas magique ! Elle exige en amont des métadonnées sources propres, structurées et enrichies d’identifiants pérennes (URI).  

Les retours d’expérience des institutions pionnières, comme la Fondation SAPA en Suisse, confirment la pertinence de l’apporche mais pose surtout de nombreuses questions de fonds :

  • D’un point de vue technique, la mise en œuvre a mis en évidence la grande complexité de son ontologie (RiC-O), qui requiert des compétences spécialisées et un double entrepôt RDF (production vs diffusion). La formalisation en triplets RDF impose l’usage systématique d’URI uniques pour chaque entité. Rédiger une documentation claire pour les utilisateurs et développer des interfaces de recherche intuitives sur des métadonnées RDF restent des chantiers ouverts.
  • D’un point de vue de l’archiviste, maîtriser le fonctionnement des graphes et triplets devient une nécessité. RiC introduit une rupture conceptuelle majeure en distinguant le « Record Resource » (contenu intellectuel) de son « Instanciation » physique. L’atomisation des informations et le recours aux imports massifs nécessité la mise en place d’un contrôle qualité rigoureux pour éviter d’engendrer des doublons. Ensuite, le constat fait part d’une faible réutilisation des données par des tiers en raison de la technicité des langages d’interrogations même s’il y a également des applications pratiques qui ont pu être observées.

En France, les  Archives nationales jouent un rôle moteur en développant des outils comme le RiC-O Converter pour faciliter la transition, mais ces projets restent du domaine de la recherche et développement.  

En somme, RiC est une norme dont l’écosystème reste peu mature. Elle représente aujourd’hui une voie d’avenir explorée par des institutions pionnières disposant de moyens conséquents, mais n’est pas encore une solution universelle et prête à l’emploi pour la majorité des services d’archives.

Face à RiC, la Society of American Archivists (SAA) prépare une réponse plus évolutive : EAD 4. Loin de vouloir remplacer l’EAD, format XML dominant, cette nouvelle version vise à le moderniser pour l’adapter aux enjeux du web sémantique.

Les objectifs sont clairs :

  1. Mieux prendre en compte l’impact de RiC
  2. Améliorer le support pour les données liées, et simplifier la norme.  

Techniquement, EAD 4 ne deviendra pas du RDF, mais cherchera à simuler une logique de graphe au sein de la structure XML existante. Cela passera par une amélioration des éléments permettant de créer des liens sémantiques explicites entre les descriptions d’archives et les entités contextuelles (producteurs, lieux, etc.).  

L’attente de la profession dans le domaine est forte : EAD 4 doit servir de pont vers le web de données. Il offre une voie de modernisation pragmatique, permettant aux institutions de commencer à structurer leurs données dans une logique « orientée-graphe » (usage d’identifiants, liens typés) tout en restant dans un écosystème technologique maîtrisé (XML).

Annoncée pour 2026, EAD 4 est conçue comme une implémentation partielle en XML de RiC-CM, avec un alignement renforcé sur l’EAC-CPF 2.0. Elle vise à fournir un point d’entrée pragmatique pour les services d’archives, sans exiger immédiatement le déploiement complet de l’ontologie RDF

Une stratégie complémentaire à deux vitesses

RiC est le laboratoire où s’inventent les pratiques de demain, une voie nécessaire pour les institutions pionnières qui font avancer la discipline. Pour la grande majorité des services d’archives, la stratégie la plus réaliste et bénéfique est de se préparer à EAD 4.

L’investissement prioritaire pour tous doit porter sur l’amélioration de la qualité des données : nettoyer les notices d’autorité, adopter des identifiants pérennes et structurer l’information de manière granulaire. Il permettra de faciliter une future migration vers RiC.

Herwann PERRIN
Product Owner